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Les Princes d'Ambre

Invitation au voyage...

( non, je ne suis pas obsédée par les Empereurs et les Princes... )

Fiona
( Fiona, colorisée par mes soins d'après un dessin de Michael Kucharski
tiré de la V.O. du jeu de rôles d'Ambre )

Une Licorne, un Serpent, une poignée d'Atouts et Grayswandyr trace la Marelle....

C'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures soupes. Appliquant avec bonheur cet adage populaire, Roger Zelazny a mélangé la mythologie celtique (licorne, Obéron, princes et démons, cité sous-marine...), le potentiel mystique des tarots et autres jeux de cartes, et la théorie des mondes parallèles, en y apportant un intéressant concept. Le plus curieux, c'est que, talent aidant, ce mélange hétéroclite et d'aspect a priori commercial, donc casse-gueule, fonctionne très bien.

L'histoire commence... par un malentendu. Pendant les premiers chapitres, je me suis dit que l'éditeur avait par erreur imprimé un polar sous une couverture d'heroic fantasy. Un polar prenant et intrigant, au demeurant : un amnésique se réveille dans une clinique privée après un accident de voiture. La sollicitude forcée du personnel soignant lui met la puce à l'oreille et il s'échappe, sans trop de mal malgré le luxe de précautions prises pour le faire tenir tranquille.

S'invitant chez la jeune femme qui l'a fait interner, il parvient à lui faire croire qu'il sait tout - alors qu'il ignore même son propre nom -, et lui tire peu à peu les vers du nez. La jeune femme, Flora, est sa demi-soeur, et n'a fait que suivre les instructions d'un autre membre de la famille, Eric, leur (demi-)frère. Il découvre peu à peu que la vérité, quelle qu'elle soit, dépasse largement le cadre de ce qu'il imaginait au départ.

Benedict, par Ledroit
Benedict, dessiné par Olivier Ledroit

Les indices que cela n'est pas une simple affaire de famille? Sa soeur l'appelle Corwin alors que ses papiers le désignent comme Carl Corey - d'ailleurs, officiellement son nom à elle est Evelyn Flamel. Des cartes à jouer étrangement froides, représentant des personnages habillés selon des codes médiévaux, qui lui semblent familiers - certains amicaux, d'autres détestés. L'une des cartes est même à son effigie, vêtu de noir et d'argent. Un homme qui s'avère être son demi-frère, Random, déboule chez son hôtesse poursuivi par des hommes armés - et ni cela, ni la réponse musclée de Random (pourtant pas un sosie de Schwarzenegger) et des chiens de Flora ne semblent surprendre quelqu'un d'autre que lui.

à votre avis?
La Marelle, dessin de Florence Magnin, qui a illustré la 1e édition française des romans et du jeu de rôles.

En s'adjoignant l'aide de son demi-frère pour "rentrer chez eux", Corwin s'embarque dans un voyage bizarre. Le paysage change peu à peu autour d'eux, selon les efforts de Random, pour finalement arriver à...


Ambre.


Ambre, LA Cité. La seule, l'unique, dont toutes les autres ne sont que de pâles copies, des reflets plus ou moins fidèles, des Ombres. Les Ombres, c'est ainsi que les Amberites appellent les réalités issues de l'écho d'Ambre dans le tissu de l'univers, comme les vaguelettes s'étendant en cercles autour d'un caillou tombé dans la mare de la soupe primitive.

Ambre génère néanmoins deux "reflets" réels dans sa propre réalité, qui possèdent chacun une Marelle dotée des mêmes capacités que l'originale : Erbma, la cité sous la mer, et Tir-na Nog'th, la cité fantôme qui n'apparaît dans les nuages que les nuits de pleine lune.

Tir-na Nog'th
Tir-na Nog'th

Tout ce qu'on peut concevoir, et même le reste, existe dans une Ombre, quelque part. Les lois même de la physique et de la magie changent d'une Ombre à l'autre. Ainsi, de même que la magie n'a que peu d'effet sur notre Terre, la poudre ne détonne pas en Ambre - impossible d'y utiliser des armes à feu, donc.


Les Princes d'Ambre, fils et filles d'Obéron et de diverses femmes (Obéron est/était? un vil coureur de jupons...), possèdent, tout comme leur père, le pouvoir de se déplacer à travers les Ombres. Ils tirent ce pouvoir de leur ascendance, mais ne le contrôlent qu'après avoir traversé la Marelle, un motif mystique qui se trouve au centre de la Réalité d'Ambre, qui lui donne sa puissance, sa stabilité. Une fois traversée - exploit dont seuls les descendants de son créateur sont capables, la mort étant le lot des autres -, la Marelle leur donne d'autres pouvoirs magiques.

Licorne
La Licorne...
Comme s'ils en avaient besoin, d'ailleurs... Enfants de la Marelle, les Princes d'Ambres sont quasi-immortels, plus forts que la moyenne des habitants d'Ambre, eux-mêmes plus puissants que les humains normaux - de la même manière qu'un reflet n'est jamais aussi intense ou complet que la réalité qu'il reflète. Ainsi, Corwin apprend-il qu'il erre sur la Terre depuis déjà quelques siècles, et qu'il a survécu à la Peste et à plusieurs guerres.

Mais pour l'heure, sa vie est menacée plus que jamais. Obéron, le Roi d'Ambre depuis sa création, a disparu. On ignore pourquoi, où il est, et s'il est encore en vie, mais le trône ne peut rester vacant. Or Corwin est bien placé dans la succession. Et Eric, son frère, qui s'est désigné successeur intérimaire, ne veut pas le voir revenir dans le jeu des intrigues politiques. Il a bien assez de problèmes comme ça avec une étrange menace qui plane sur Ambre et semble même affecter la Marelle...


Mais je vous en ai déjà trop dit. La force de cette saga est qu'on y va de découverte en découverte dans un univers toujours plus riche, fourmillant de personnages qui, une fois n'est pas coutume, sont tous plus intelligents et retors les uns que les autres. Ca nous change des imbéciles (val-)heureux qui encombrent les histoires d'heroic-fantasy plus classiques. Ici, on est surpris à chaque page, mais tout reste cohérent (à quelques détails près dans le seconde partie, où j'ai des doutes).

L'autre point fort des Princes d'Ambre, c'est le ton du récit. Corwin, le narrateur des 5 premiers tomes (que j'hésite à qualifier de héros), ayant passé ses (nombreuses) dernières années sur notre bonne vieille Ombre Terre, porte un regard tout personnel et moderne sur le monde médiévisant et mythique d'Ambre. Cela entraîne un décalage souvent assez comique, et un degré de plus dans la lecture.


Les cinq premiers tomes, le cycle de Corwin, forment un tout, parfois appelé la Guerre du Trône. Les cinq suivants, le cycle de Merlin, sont une autre trame, cette fois racontée par le fils de Corwin qui, quoiqu'adulte, est moins cynique, manipulateur et paranoïaque que son père.
Une manière pour Zelazny de rafraîchir un zeste le récit - ou de se faciliter la tâche, parce que faire arriver des ennuis à un héros trop intelligent demande beaucoup d'imagination. Il serait difficile de concevoir qu'un vieux briscard comme Corwin se fasse manipuler comme un débutant par le premier sorcier venu. Et cela nous permet aussi de découvrir les adversaires d'Ambre, les Cours du Chaos.

Merlin, par Ledroit
Merlin, dessiné par Olivier Ledroit


Couverture par Florence Magnin
Le seul bémol à cet éloge, c'est que Zelazny avait prévu une troisième série de cinq tomes, où il comptait développer des aspects ébauchés dans la seconde. Or ce malotru est mort après avoir achevé le cycle de Merlin. Du coup, on ne saura jamais ce qu'il réservait à la Roue Spectrale, Frakir, Mandor (c'est ma foi vrai qu'il a du charme) et autres personnages prometteurs, ni l'origine exacte de Grayswandyr. Il y a vraiment des gens qui manquent de savoir-vivre.

Dont Denoël, d'ailleurs, parce que Zelazny a aussi publié quelques nouvelles sur Ambre, qui à ma connaissance n'ont pas été publiées en France (*gromll*).
Note sur les illustrations : deux d'entre elles n'ont à la base rien à voir avec Ambre, mais s'intégraient bien :



Quelques liens

Liens vérifiés en janvier 20003

Il existe également un webring des sites en français sur Ambre : Tir Na Nogth


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