Le Disque-Monde

et autres oeuvres délirantes de Terry Pratchett

"celui qui devrait être sponsorisé par la Sécurité Sociale"

"J'ETAIS A UNE SOIREE..."

J'apprend qu'il y a encore en ce monde des malheureux qui ne connaissent pas l'oeuvre de Terry Pratchett. Voilà qui explique sans doute la morosité ambiante. Je m'en vais donc essayer de réparer cette injustice.

Terry Pratchett, écrivain britannique de son état, s'est spécialisé dans la fantasy loufoque, un genre qu'il a plus ou moins inventé d'ailleurs, attendu que son style ne ressemble à aucun autre.

Son oeuvre la plus connue, la plus fournie - et la plus débridée sans doute - reste les Annales du Disque-Monde. Imaginez. Mieux que ça. C'est un monde... plat. Comme une pizza où océans et montagnes remplaceraient les coulées de fromage et les anchois. Avec en son centre un pic rocheux gigantesque, au sommet duquel trônent les terribles Dieux du Disque-Monde... Qui passent leur temps à jouer aux dés et à réclamer aux Géants des Glaces la tondeuse à gazon qu'ils leur ont prêtée mais jamais revue. Mais les dieux ont en fait un rôle très secondaire ici.

Mais qu'est-ce que c'est que ce monde cinglé?

La Mort, un joyeux drille
(du moins il essaie)
Prenons un peu de champ pour mieux situer le Disque-Monde dans son contexte. Sa lumière lui est fournie par un soleil miniature qui tourne autour de lui, passant à l'occasion sous la patte d'un éléphant. J'ai oublié de vous parler des éléphants? Oups. Voyez-vous, le Disque-Monde repose sur le dos de quatre éléphants gigantesques, un peu comme une table démesurée d'un mauvais goût non moins démesuré. Et ces éléphants ne flottent pas dans le vide, bien sûr. Eux-mêmes reposent fermement sur le dos d'A'Tuin, une tortue de taille astronomique, à la carapace grêlée d'impacts de comètes. A'Tuin nage inlassablement dans l'espace, vers on ne sait quel destin.

Si vous venez de vous demander si A'Tuin a des semblables, et si oui comment se passerait un accouplement pour les peuples du Disque-Monde, c'est que vous commencez à être contaminé par l'esprit de cette série.

Le décor est posé, passons aux personnages. Ils sont nombreux, et certains reviennent dans plusieurs volumes, sans qu'il y ait de héros permanent toutefois.

Quel genre de gens peuvent bien vivre dans un endroit pareil?

Le premier à apparaître est Rincevent, un mage calamiteux, qui en dépit d'années passées à l'Université Invisible, où sont formés tous les Mages, ne connaît qu'un seul et unique Sortilège... et encore malgré lui. Le pourquoi du comment en est révélé dans les deux premiers tomes. Au fil des pages, Rincevent ne démontrera que deux réels talents: celui de se fourrer dans les pires pétrins, et celui de s'en tirer par une fuite éperdue.

Ajoutons le Bagage, une malle en bois de poirier magique à capacité illimitée, plus ou moins conscient (disons, aussi conscient qu'un vilain roquet, qui mord tout ce qui bouge sauf son maître, qu'il suit aveuglément), capable d'avaler ses ennemis et de galoper férocement sur ses centaines de petites jambes.
Le Patricien d'Ankh-Morpork (la "capitale" du Disque-Monde, mélange tentaculaire et glauque de toutes les mégalopoles, méd-fan ou non), pas plus tyrannique qu'un autre et plutôt effacé, mais auprès duquel Machiavel serait tout juste bon à tenir une baraque de frites, et qui a le bon goût d'exécrer les mimes.

Rincevent, Deuxfleurs
et les autres sont
sur un Ba...gage?

Mémé Ciredutemps,
un roi fantôme
et j'en passe...
Mémé Ciredutemps, une sorcière bougonne peu portée sur la magie mais reine de la "têtologie" (science pas si occulte que ça consistant à comprendre comment fonctionnent les gens pour ne pas avoir à user de pouvoirs somme toute dangereux et difficiles à contrôler).

Cohen le Barbare, un baroudeur invincible, une légende vivante... depuis plus de soixante ans...

Et la Mort. En effet, la Mort du Disque-Monde est un personnage à part entière, une "entité anthropomorphique" selon ses propres termes, et de sexe (si je puis dire pour un squelette ambulant) masculin. Qui a la particularité d'adorer les chats. Ses apparitions sont toujours excellentes, et les tomes où il officie parmi les meilleurs ("Mortimer" et "Le Faucheur", en attendant un troisième volume non encore traduit dont il est le "héros").
Je ne peux pas les citer tous, je vous laisse découvrir par vous-même cette galerie de personnages hauts en couleurs. La série est éditée par l'Atalante, et Pocket a commencé à rééditer les premiers tomes pour ceux qui n'ont pas un compte en banque extensible (paske l'Atalante a presque le format du poche mais pas le prix, hélas).

Les Annales du Disque-Monde gagnent peu à peu chez nous un succès mérité, dû également en partie aux couvertures très reconnaissables de Josh Kirby, et à l'excellente traduction de Patrick Couton - qui a bien du mérite à retranscrire l'humour si particulier de Pratchett.

Deux jeux vidéo ont même été tirés des Annales, où on doit libérer Ankh-Morpork d'un dragon - entre autres en libérant un papillon pour qu'il déclenche la pluie le lendemain qui fera que... Bref, il faut être aussi tordu que Pratchett pour s'en tirer. Mais c'est drôle même sans.

Le Guet en action
(le dragon en option)

D'accord, je suis convaincu, par où je commence?

Jusqu'à présent je n'ai pas lu de mauvais Pratchett, seulement certains un peu moins drôles que les autres. Néanmoins ceux que je conseillerai sont (pour l'instant) :

"Mortimer" : la Mort engage un apprenti
"Le Faucheur" : la Mort (oui, encore. D'une manière générale, quand la Mort est de la partie vous pouvez acheter les yeux fermés) se fait virer (si si). Avant que son remplaçant déboule, ça cause quelques soucis...
"Pyramides" : un assassin fraîchement émoulu de l'école doit succéder à son père sur le trône du royaume désertique du Jolhimôme.
"Au Guet !" et "Guet des Orfèvres" : deux volumes consacrés au Guet d'Ankh-Morpork, le premier où ils affrontent un dragon (à 4 plus un sing... un anthropoïde, ils ont du mérite), et le second où, avec de nouvelles recrues, ahem, peu orthodoxes, ils combattent un tueur armé de... Vous verrez.
"Trois Soeurcières" : ... plus un fantôme de roi, un roi vivant mais dément, un héritier reconverti dans le théâtre, des orages et des maléfices : pauvre Shakespeare...

Terry Pratchett n'a pas écrit que le Disque-Monde. Il est le co-auteur avec Neil Gaiman d'une réjouissante parodie de "Damien: la malédiction", "De bons présages", parue chez J'ai Lu. Un chef-d'oeuvre d'ironie où un ange (Aziraphale, qui a tout d'un libraire intello anglais tel qu'on se l'imagine, les moeurs nocturnes en moins, angélitude oblige) et un démon (Rampa, fervent fan de musique "mortelle" et de tout ce qui permet de s'éclater ici-bas en général - par comparaison avec "en-bas" où il s'ennuie ferme) s'allient pour tenter d'empêcher l'Affrontement final entre leurs camps respectifs. C'est qu'ils ont pris leurs petites habitudes dans notre monde, et que la perspective d'y renoncer les désole.

De bévue en catastrophe, il faudra compter sur l'aide d'Anathème Bidule (occultiste pratiquante), d'un bricoleur désastreux, d'une médium également "Jézabel fardée" à ses heures, d'un sergent Inquisiteur, et de quatre gamins normaux (sauf un) pour déjouer les plans Ineffables du Tout-Puissant.

Pratchett en solo a également commis une trilogie située dans notre monde... ou presque, "Le grand livre des Gnomes", consacré aux tribulations d'un peuple de créatures hautes comme des rats et vivant environ 10 fois plus vite que nous. Les derniers survivants d'une tribu isolée de ces gnomes, fuyant la campagne où survivre est devenu trop difficile, parvient dans le Paradis des Gnomes : un Grand Magasin, où toute une communauté de leurs semblables prospère, ayant même oublié qu'il y a un Dehors.

Cette trilogie est basée (mais largement modifiée) sur un court roman également paru depuis, "Le peuple du tapis".

De temps à autre, Pratchett tente des incursions dans la science-fiction. Témoins deux courts romans parus chez Pocket: "Strate-à-Gemmes", où une faiseuse de monde cherche à élucider l'origine d'une Terre Plate. Et "La face obscure du Soleil", où un héritier tente d'échapper à sa mort planifiée. On remarquera à ce sujet que la couverture signée Josh Kirby utilisée par Pocket pour ce dernier livre correspond en fait à "Strate-à-Gemmes", mais bon...

Pratchett a également écrit, pour un public plus jeune (quoique, pas la peine dêtre mineur pour rigoler), la série de "Johnny Maxwell", de la S.F. rigolote, où il déploie encore une fois son imagination pour les personnages hauts en couleur (même si rase-bitumes) et le renouvellement des vieux ressorts du fantastique.

En résumé, Terry Pratchett est un remède garanti contre la morosité et le manque d'imagination. Laissez-vous tenter... Vous me remercierez.

Quelques liens

Liens vérifiés en janvier 20003

"Le site francophone non-officiel de Terry Pratchett" - version française et "améliorée" du L-space Web
le PCF (Pratchett Club de France) - rien que le titre vous donne une idée de l'esprit, et le site est déjà bien fourni.
Paul Kidby - le site officiel du second illustrateur du Disque-Monde - le premier étant Josh Ki_R_by, qui réalise les couvertures dont j'ai reproduites certaines sur cette page. Paul Kidby, lui, s'est fait connaître de l'éditeur anglais du Disque-Monde il y a seulement quelques années, et a par la suite illustré divers ouvrages consacrés à l'univers de Pratchett, mais hélas encore inédits en France (un guide de la maison de la Mort, notamment). Grâce à ce site, vous pourrez juger de l'adéquation de son style avec les mots de Pratchett (merci qui?).

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