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Arthur Rimbaud

Pourquoi pas?

Arthur Rimbaud, photographie d'Etienne Carjat


"De voir que le beau temps est dans les intérêts de chacun, et que chacun est un porc,
je hais l'été, qui me tue quand il se manifeste un peu"

Morceaux choisis

On était début juin, il faisait chaud, je feuilletais un bouquin, et je tombe sur cette citation d'Arthur Rimbaud, extraite d'une lettre à un de ses professeurs, écrite il y 125 ans, en juin également.
Je vous accorde que ce n'est sans doute pas la citation la plus glorieuse ou la plus profonde de Rimbaud, mais j'ai éclaté de rire avec cette espèce d'exaltation et de jalousie qu'on ressent à voir quelqu'un décrire, mieux qu'on ne le pourrait soi-même, son propre état d'esprit.

En fait, Rimbaud a pour lui, outre le génie et le mythe, de faire partie de ces gens rares à la personnalité si complexe et profondément humaine, que n'importe qui peut trouver en eux des enseignements, un écho de sa propre âme, bref se sentir quelque parenté d'esprit avec lui.

Ce qui a pour effet pervers d'une part qu'il est difficile de rester impersonnel lorsqu'on parle de lui. Et que tout portrait qu'on pourrait vous donner de lui serait par définition partial et ne correspondrait pas réellement à l'idée que vous vous en faites, car chaque portraitiste mettra en avant les parties de sa personnalité qu'il comprend le mieux, celles qui résonnent avec sa propre expérience.

Par exemple, la phrase que tout le monde ressort lorsqu'on parle de Rimbaud est celle-ci:

"Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens."

Cette simple phrase, sortie de son contexte, a servi d'alibi culturel à tous les excès pour une foultitude d'apprentis artistes, persuadés qu'il suffisait de se camer, de se saoûler, ou de perdre tout contact avec la réalité par un moyen ou un autre, pour devenir un créateur de génie. Piètre humanité, toujours prompte à reprendre à son compte ce qui l'arrange. Et à oublier au passage la fin de la citation :

"Il est chargé de l'humanité, des animaux même; il devra faire sentir, palper, écouter ses inventions; si ce qu'il rapporte de là-bas a forme, il donne forme; si c'est informe, il donne de l'informe. Trouver une langue;
[...]
L'art éternel aurait ses fonctions, comme les poètes sont citoyens. La Poésie ne ryhtmera plus l'action: elle sera en avant."

Donc, et puisqu'il faut bien que je parle de lui, voici un aperçu bref, partial, incomplet et lapidaire de l'homme. J'ai horreur de faire des fiches biographiques, donc ça va saigner.
Arthur Rimbaud fut un poète précoce voyageur visionnaire rebelle novateur, désireux de repousser les frontières de son art pour atteindre une signification et une forme nouvelles. Il est né à Charleville le 20 octobre 1854, et mort le 10 novembre 1891 à Marseille. Il a écrit, de 14 à 23 ans à peu près, une oeuvre qui parcourt quasiment tout le spectre des possibilités de la poésie, tant dans la forme que dans le fond. Il a passé le reste de sa courte vie (une dizaine d'années) à errer à la recherche d'aventures en Afrique.
D'un point de vue plus personnel, il était affligé d'une mère qui n'est sans doute pas pour rien dans son goût pour la quête d'autres horizons, d'un amant (Paul Verlaine) en qui il trouva un distrayant compagnon de voyages réels autant que dans les sphères de l'imagination, aidés par les substances de l'époque.

En clair, Rimbaud résume la fin d'une ère et le début d'une autre, les espoirs et les travers des hommes. Il fascine parce qu'il concentre tout cela en quelques dix ans de vie et de création intense, au lieu des longues décennies d'une existence menée à petits pas.

D'ailleurs, c'est sans doute ce que j'apprécie le plus chez lui, sa concision : il a réussi à résumer en moins de dix ans de carrière l'évolution de la poésie française au cours de tout un siècle, voire plus. Le reste n'est plus qu'affaire d'affinités électives avec les sensibilités des autres poètes. Il n'y a rien de plus rare et précieux que les gens qui savent quand s'arrêter (moi par exemple je ne sais pas, la preuve...), et que Rimbaud en fasse partie n'est sûrement pas ce que le plus de gens retiennent de lui.


De Rimbaud, de l'Education Nationale, et de comment l'un m'a brièvement arraché à la mornitude de l'autre

Cette page existe aussi pour dire que Rimbaud fut l'un des rares auteurs à m'arracher à l'ennui des cours de français de ma jeunesse par un poème, ce qui à l'époque relevait du tour de force. Le poème, c'était "Le Dormeur du val". Modèle d'efficacité, certes, je suppose que c'est un peu facile d'être touché par ce texte, mais on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre.

Les cours de français, pour moi, c'était passer une heure à subir les anônnements ronronnants de mes camarades sur un texte que j'avais fini de lire, en passant en revue le reste du livre de français dans l'espoir de trouver d'autres écrits pas trop rébarbatifs pour attendre la fin sans m'endormir. C'est comme ça que j'ai par exemple saisi des bribes de Lorenzaccio alors qu'on étudiait je ne sais plus quoi de moins passionnant.

Rimbaud peint par Fantin-Latour

C'était aussi passer d'autres heures à "commenter" des textes, pour leur faire dire plus que ce qu'ils disaient. Démarche qui m'a toujours laissée assez perplexe. Sachant qu'on n'étudie que des auteurs renommés, on est en droit de penser qu'ils ont su s'exprimer dans leurs oeuvres avec suffisamment de clarté, et plus de talent que les collégiens qui se creusent la tête dessus quelques siècles plus tard... Ou bien c'est une manière pour l'Education Nationale de vérifier auprès des élèves qu'ils sont capables de comprendre ce qu'ils lisent?... Plutôt insultant, non, si ça se borne à ça?

Je sais, je sais, on va me dire que ça sert aussi à s'imprégner mieux de la personnalité de l'auteur, et de percevoir les sens cachés de l'oeuvre. Mais n'importe quel écrivaillon vous dira que toute création existe sous deux formes, ce que l'auteur a voulu exprimer, et ce que le "public" reçoit. Et ces deux aspects se recoupent rarement, ce qui n'est peut-être pas un mal. Là par exemple, vous ne lisez pas ce que j'ai écrit, et moi-même je ne suis pas sûre que ce que j'écris est ce que je veux dire. Alors, apprécier une oeuvre pour ce qu'elle est par elle-même, pour ce qu'elle vous évoque ou en tant qu'émanation de l'auteur, c'est à chacun de choisir, pas à une quelconque autorité.

De la même manière qu'il se trouvera sûrement quelqu'un lisant cette page pour lâcher que le terme "mornitude" du sous-titre n'existe pas, et que quand on veut faire une page sur un "monument de la littérature française", on devrait au moins parler français. Auquel cas je demanderai pourquoi devant les néologismes qui parsèment la plupart des poèmes de Rimbaud, tout le monde crie au génie (comme on dit à Air Liquide), et pourquoi quand un élève fait un effet de style, on lui rétorque qu'il doit suivre les règles de la grammaire.


Mais foin de considérations pseudo-profondes, car je me disais aussi, devant le tome du XIXème siècle que celui-ci présentait au moins l'avantage d'avoir une icônographie plus attrayante que les autres, du fait de la présence du tableau ci-dessous, présentant la frimousse impertinente de Rimbaud, qui avait l'air de se faire ch*** avec l'illustre assemblée de poètes autant que moi pendant le-dit cours de français.

Le tableau en entier
"Le Coin de Table" de Fantin-Latour,
1872, Musée d'Orsay
La photo en haut de la page est d'Etienne Carjat,
1872 aussi, collection Francois-Marie Banier (veinard)

Non, je ne me compare pas à Rimbaud, loin de là. N'empêche que c'est le genre de détails propres à donner à un élève échaudé par la pédagogie des raisons de s'intéresser de manière plus personnelle à des choses "sérieuses" comme la poésie. Comme quoi, il suffit parfois de pas grand-chose pour améliorer un peu le monde.

D'aucuns diront qu'une page sur Arthur Rimbaud au milieu de mon site a priori pas très culturel, c'est incongru, voire insultant. Pensez, forcer ce monument de la poésie française à côtoyer mes divagations diverses (et à les subir, même).

A ceux-là je dirais dans le désordre:
  • c'est bien la preuve que vous n'avez pas compris le credo premier du Soulcatcher, qui est de ne reconnaître ni frontières et ni préjugés d'aucune sorte, en privilégiant ce que moi d'abord, en tant qu'auteur de ce site, vous ensuite je l'espère, pourrez tirer des divers domaines que j'aborde. (vous pouvez vérifier, la phrase est correcte. Tordue, mais correcte)
  • ce serait bien mal connaître et estimer Rimbaud que de considérer sa présence comme déplacée où que ce soit, fut-ce sur un site Web dédié à un panel hétérogène de personnalités réelles ou imaginaires, venues de domaines peu reconnus par l'establishment. SPECIALEMENT sur un tel site, dirais-je. Ecco. Bon, c'est pas paske je cause de Rimbaud qu'il faut que je commence à parler comme un technocrate invité à Pivot, moi...
  • merde. C'est mon site, j'y mets qui je veux. Le pauvre Arthur serait probablement bien déconfit s'il ne trouvait son nom que sur des sites hautement culturels ou conventionnels. Un comble pour lui!
  • tant que je ne saurais pas faire tourner les tables, je ne pourrai pas lui demander son avis en face pour accréditer sa présence sur mon site, donc je m'en passerai. Et c'est la seule personne qui a son mot à dire sur le sujet.
  • j'ai déjà un bout d'un poème de Verlaine, Crimen Amoris en guise d'annexe à ma page sur Armand, je ne pouvais décemment pas ignorer Rimbaud.
  • j'ai un faible pour les jolis garçons créatifs à l'esprit tortueux et aux moeurs libres, donc il est tout à fait à sa place.


Et pour terminer sur un dernier délire:
Si Rimbaud vivait à notre époque, il serait un cyber-poète connecté à Internet, pour mêler les errances physiques à celles de l'esprit, il consommerait du LSD, de la coke ou de l'héroïne, il ferait peut-être du rock, ou du rap, ou en tout cas des paroles pour ce genre de trucs, et au lieu de s'arrêter de faire de la poésie à 24 ans, mort spirituelle, il serait mort pour de bon d'une overdose sur un trottoir du Sunset Boulevard.
Mais pardon, là je retombe sur mes démons personnels.

Si Rimbaud vivait à notre époque, il se ferait chier autant qu'à la sienne, il écrirait sur tout ce qui continue à mal tourner, et il aurait de quoi.
Mais avec le traitement de texte il aurait écrit plus!

Allez, sans rancune mon vieux. Ce n'est pas la première fois qu'on écrit n'importe quoi sur toi, j'espère au moins que cette fois ça aura été distrayant.


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